CINQ IDEES RECUES SUR LE BOUDDHISME
Malgré la sympathie qu’il suscite en Occident, le bouddhisme demeure, aux yeux du grand public, une spiritualité aux contours flous… Il est vrai que de nombreux courants coexistent, révélant différents concepts.
Parmi eux, le bouddhisme de Nichiren, en particulier, a de quoi bouleverser toutes les idées reçues.
IDEE RECUE N° 1 : "Le bouddhisme n’est pas une religion, mais une philosophie"
Parce qu’il met l’accent sur la sagesse et qu’il ne postule pas de croyance en un dieu mais il est centré sur l’être humain, le bouddhisme de Nichiren peut sembler davantage une philosophie qu’une religion.
L’absence de clergé, de dogmes, de normes régissant la vie quotidienne et les rapports sociaux, peut aussi renforcer cette conception.
Néanmoins, être « bouddhiste de Nichiren » implique également une pratique religieuse : prière, vœu d’engagement dans la foi, réception de l’objet de culte, engagement personnel au sein de la communauté de pratiquants.
Il existe également des rites pour les cérémonies laïques de mariage et les cérémonies funéraires.
Toutefois, accéder à l’éveil est essentiellement une question de foi. La foi est le facteur décisif permettant à une personne d’éveiller sa nature de bouddha. Dans le Sûtra du Lotus, Shakyamuni déclare à Shariputra1 :
« Même toi, Shariputra, tu n’as pu, en ce qui concerne ce Sûtra, y accéder que grâce à ta foi2 ». Et, à travers toutes les lettres qu’il adresse à ses disciples, Nichiren Daishonin revient sans cesse sur l’importance de la foi.
Ainsi, au-delà de son approche philosophique de la vie, emprunter la voie de transformation intérieure selon le bouddhisme de Nichiren ne peut se fonder que sur l’approfondissement constant de la foi.
Shakyamuni, le bouddha historique, était simplement un être humain. Au terme d’une quête spirituelle ardente, il s’éveilla à la réalité ultime de la vie, puis entreprit de conduire les autres au même éveil que lui. Il ne se posa jamais en être supérieur, mais en guide spirituel et « ami de bien », recherchant à mettre chaque personne sur la voie d’un bonheur et d’une autonomie authentiques.
Cet esprit d’égalité fondamentale trouve sa plus grande expression dans le Sûtra du Lotus, où le bouddha Shakyamuni déclare : « Dans l’espoir de rendre toutes les personnes égales à moi-même, sans aucune distinction entre nous3 ».
Après sa mort cependant, une tendance à le « mythifier » apparut au sein de la communauté des disciples. Plus tard, dans le Japon du XIIIème siècle, Nichiren prôna un retour à « Shakyamuni l’être humain », observant que, pour les personnes ordinaires, cette tendance avait fini par créer une distance insurmontable avec le Bouddha.
En réformateur religieux, il soutenait que la Loi à laquelle le Bouddha s’était éveillé n’existe nulle part ailleurs que dans le cœur des êtres humains ordinaires. Aussi, dans le bouddhisme de Nichiren, c’est l’état de bouddha inhérent à la vie de tous les êtres vivants qui est révéré.
IDEE RECUE N° 3 : "Le bouddhisme, c’est savoir « rester zen », éliminer ses désirs et être détaché de tout"
Si cette idée correspond à certains enseignements bouddhistes, tous ne souscrivent pas à cette approche. Dans la lignée du courant Mahayana, le bouddhisme de Nichiren met en avant un mode de vie altruiste et engagé, et la transformation des désirs et des troubles, plutôt que leur élimination. Cet enseignement nous encourage à réaliser concrètement nos aspirations et à surmonter toutes les difficultés de l’existence. Selon le principe appelé « les désirs mènent à l’illumination », tout trouble, désir ou souffrance nous donne l’occasion de manifester notre état de bouddha, par la pratique de la récitation de Nam-myoho-renge-kyo.
Désirs et troubles, loin d’être rejetés, sont des moyens de mettre en œuvre les enseignements bouddhiques. Ils servent de « combustible » indispensable sur la voie de l’éveil. C’est pourquoi Nichiren écrit : « Maintenant, Nichiren et ceux qui récitent Nam-myoho-renge-kyo (…) brûlent le bois des désirs terrestres et font jaillir le feu de la sagesse de l’illumination4 ».
IDEE RECUE N° 4 : "Les bouddhistes sont de grands pessimistes, ils craignent de se réincarner et aspirent au nirvana"
Cette idée a été accolée au bouddhisme, de longue date, et a malheureusement contribué à l’image déformée d’une religion qui abhorrerait l’existence terrestre… Elle prend son origine au XIXème siècle, chez les premiers penseurs occidentaux qui s’intéressent au bouddhisme, tel Schopenhauer qui vanta le « pessimisme bouddhique ».
Or, il s’agit là d’une mauvaise interprétation, dues aux connaissances parcellaires de l’époque. Au contraire, le bouddhisme enseigne à épanouir tout son potentiel, cultiver un bonheur authentique et profiter pleinement de l’existence présente.
Néanmoins, il faut pour cela regarder en face la réalité de la vie humaine. C’est le constat qu’a dressé le Bouddha sous la forme des quatre nobles vérités. La première : « La vie est souffrance ». Pour autant, ce regard lucide sur la vie n’a de sens que parce qu’il existe un moyen efficace de surmonter cette souffrance. Dans le bouddhisme de Nichiren, ce bienfait fondamental peut s’obtenir dans cette existence-ci. La vie ordinaire, avec ses bonheurs et ses malheurs devient alors, en elle-même, une source de joie illimitée.
IDEE RECUE N° 5 : "Le bouddhisme est fataliste et passif, il enseigne le principe implacable du karma"
Le bouddhisme a adopté la notion de karma, héritée de l’hindouisme, selon laquelle la vie est régie par une loi rigoureuse de cause et d’effet. Néanmoins, le bouddhisme de Nichiren enseigne surtout comment se libérer de son karma négatif, en mettant en jeu la puissante causalité positive de la Loi merveilleuse, Nam-myoho-renge-kyo.
On peut décrire cette Loi comme la force de vie qui sous-tend et oriente la causalité karmique. En puisant dans cette énergie, une personne est capable d’éclairer sous un jour positif tous types de karma, et peut donner à sa vie une formidable impulsion vers le bonheur, pour soi et les autres. C’est le principe de « transformer le karma en mission » ; « Ceux qui croient dans le Sûtra du Lotus vivent comme en hiver, mais l’hiver se transforme toujours en printemps5 ».
Loin d’encourager à la résignation, le but du bouddhisme de Nichiren est d’opérer un changement de sa destinée en développant la force de défier toutes formes d’adversité. En traversant victorieusement les épreuves de l’existence, non seulement nous « changeons l’hiver en printemps » dans notre vie, mais nous enrichissons notre humanité au cours de ce processus, devenant plus à même de comprendre, d’inspirer et de soutenir les autres.
TEXTE TIRE DE « VALEURS HUMAINES » N° 55 – MAI 2015